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Parution novembre 2020 : L'envol des cerfs, le chant des cygnes - Géante Rouge n°28
Champagne !
L'envol des cerfs, le chant des cygnes est parue !
Du post-apo nucléaire en Mongolie et de la mythologie d'il y a 3 500 ans, ça vous dit ?
Géante Rouge n°28
dirigé par Lucie Chenu
SommaireLes Enfants de Junko KomatsuL
Les petits métiers du futur : le dépanneur d’électroménager de Didier Reboussin
Hyalinebourg de Eva D Serves
Grand Beau Temps sur Teflon 3 de ïan Larue
L’Apocalypse selon Jonathan de Jean-Michel Calvez
La retraite du Capitaine Morgan de Hugo van Gaert
Tant qu’il en restera de Jess Kaan et Antoine Lencou
L’envol des cerfs, le chant des cygnes de Marie-Catherine Daniel
La nuit de Noëlle de Bezuth"Lorsque le boss m’a proposé de m’occuper des nouvelles pour le Géante rouge de cette année, j’avais en tête cette nouvelle de Marie-Catherine Daniel que je connaissais et souhaitais vivement publier, et ça a été LA raison qui m’a fait accepter. "Lucie ChenuL'envol des cerfs, le chant des cygnes (extrait)
La dégaine de la fille casse net le délire de Batat. Impossible qu’il s’agisse d’une hallucination !
La gamine, douze ou treize ans, sale, empaquetée dans un immense anorak autrefois rouge et bleu, ressemble bien trop aux gosses d’après-guerre pour venir d’autre part que de la réalité. Elle se balance d’un pied sur l’autre, hésitante. Le regard qui filtre sous les paupières très bridées le fixe, dans un curieux mélange d’espoir enfantin et de méfiance apeurée. La vie n’a pas dû l’épargner, mais au moins ses joues rebondies et colorées témoignent que le mal d’atome n’est pas très avancé pour elle.
Les petits visages hâves de Mönkh-Erdene et Mönkhbat s’imposent à l’esprit du garçon. Les jumeaux ont à peu près le même âge que la jeune inconnue.
« Approche, dit-il doucement. Tu n’as rien à craindre. C’est vrai que tu as du gras de mouton ? »
Elle penche la tête sur le côté pour acquiescer, et brandit un sac en peau de chèvre. Quand elle s’avance, sa démarche en canard et l’anorak tendu sur ce qui ne peut être qu’un ventre proéminent apprennent à Batat qu’elle est enceinte et très proche du terme. À son âge ?
Elle s’arrête à trois bons mètres de l’adolescent.
« Tu t’appelles Chinggis ou Koubilai », affirme-t-elle en levant haut le menton, le défiant de la contredire.
Hum, ce n’est pas lui en fait que la folie guette.
« Désolé, mais non. Je m’appelle Batatchiqan.
— Batatchiqan ? Batatchiqan ! Yahhhiiiiiiiiiiiii ! » hurle-t-elle, et sa joie vrille les oreilles du garçon.
Vraiment dérangée ! Mais il ne peut s’empêcher de sourire quand elle se dandine dans une esquisse de danse du printemps.
« En quoi c’est si génial ? » finit-il par demander, pour que cessent les vivats stridents.
Elle s’accroupit en face de lui, toujours hilare.
« Toi, t’es bouddhiste ! plaisante-t-elle. Tu sais quand même qui est Batatchiqan, hein.
— Un des ancêtres de Chinggis Khan et Koubilai Khan, tu veux dire ? Dont, soi-disant, descendent les trois quarts des Mongols. Oui, ça, tout le monde le sait.
— Oui, et il est le fils de qui ? »
Pierre à cerfs, Mongolie