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Ce matin, je dois aller faire les courses. Je déteste. Je dois aussi passer au commissariat. C’est bien pire.

La rue est sombre et floue. Normal, j’ai chaussé mes lunettes fumées d’hypermétrope. Ce sont celles qui altèrent le plus ma vue, qui me protègent le mieux du genre humain. Je n’ai pas les moyens d’habiter une campagne vide et lumineuse, alors je collectionne les verres déformants.
Je marche vite, scrutant obstinément le bitume défoncé. Ne pas m’occuper des jambes que je croise, resserrer mon écharpe sur mon nez et mes oreilles, espérer que la migraine oculaire se déclenchera rapidement.
Il est 8 heures 40, la grande surface de ma cité est presque déserte, les cinquante-six pour cent de chômeurs n’ont aucune raison d’émerger si tôt de l’oubli du sommeil ou des affres de la gueule de bois.
Pas de produit bio au rayon fruits et légumes. Je ne regarde pas la tri-D, j’évite les sites d’infos sur le net, mais je ne peux pas m’empêcher de remarquer ces trucs qui clament que l’état du monde ne s’améliore pas.

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